Une tentative de «rénoviction» de 90 logements vivement dénoncée

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Joël Lemay / Agence QMI

Les résidents des 90 logements du Manoir Lafontaine, situé devant le parc Lafontaine, doivent quitter leur appartement temporairement. Évoquant des travaux majeurs, les propriétaires de l’immeuble affirment qu’il s’agit d’une situation temporaire. Mais pour les comités logement, il pourrait bien s’agir de la plus grande tentative de «rénoviction» à Montréal, rien de moins.

Le 30 mars dernier, chaque porte du 3485, avenue Papineau a reçu un avis d’évacuation temporaire pour des travaux qui devraient durer au minimum sept mois. Entre-temps, les locataires sont forcés de libérer les 14 étages du logement le 30 juin avec une indemnité équivalente à trois mois de loyer, un montant qualifié de «dérisoire» et de «ridicule» par des résidents.

 

Un locataire de l’immeuble, Daniel Garcia

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Un locataire de l’immeuble, Daniel Garcia

 

Lundi, une cinquantaine de locataires ont discuté de leurs recours en compagnie du Comité logement du Plateau Mont-Royal (CLPMR), leur venant en aide.

«Les locataires ne croient pas que l’évacuation complète est nécessaire, indique Cloé Fortin, organisatrice communautaire au CLPMR. Ces rénovations sont un prétexte pour évincer les locataires de façon définitive. Plusieurs devront déménager à deux reprises, et ce n’est pas tout le monde qui a l’énergie ou les ressources pour ça. On les connaît, ces propriétaires-là, et leur but, c’est de rénover et d’augmenter les loyers.»

Dans une publication Facebook, l’organisme à la défense des locataires a pris position en soutenant que les résidents «sont victimes d’une tentative de rénoviction, probablement l’une des plus grosses tentatives de l’histoire récente à Montréal», soupçonnant que «l’éviction des 90 logements constitue un moyen détourné de se débarrasser des locataires modestes qui ne paient pas assez cher de loyer».

 

 

Une hypothèse démentie par le propriétaire de l’immeuble, Brandon Shiller, à la tête de la société Hillpark Capital.

«Il est important de noter qu’il n’y aura aucune éviction et qu’il s’agit d’une situation temporaire. Les locataires pourront réintégrer leur logement dès que les réparations majeures seront terminées et que l’immeuble sera en bonne condition.»

«Pas moral»

Les membres du regroupement de locataires de l’immeuble ont une position très claire: ils ne quitteront pas comme demandé au 30 juin.

«Ces travaux ne demandent pas d’évacuer 13 étages et c’est surtout pour ça qu’on veut se battre, insiste Gregory Krief, résident de l’immeuble depuis quatre ans. On sait que dès le moment où on va avoir un pied dehors, il va tout faire pour qu’on ne revienne pas. Ce n’est pas moral.»

 

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Gregory Krief précise qu’un grand nombre de personnes âgées occupent l’immeuble, tout comme de jeunes familles, une femme enceinte, des personnes ayant divers handicaps et des allophones.

«En pleine crise du logement, on s’attaque aux personnes les plus vulnérables. Trois mois de loyer, c’est ridicule. Si on doit se reloger, on va payer le double de ce montant», insiste Daniel Garcia, résident du 3485, avenue Papineau depuis son arrivée au Canada en 2013. «On ne s’oppose pas aux travaux, mais on conteste la nécessité de déloger autant de familles pour le faire.»

 

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«Ce qui est dégueulasse dans cette histoire-là, c’est qu’il y a beaucoup de négligence depuis [la transaction en février 2019]. Il y a des infiltrations d’eau, des problèmes dans les logements, l’un des deux ascenseurs n’est pas fonctionnel et rien n’est fait. Maintenant, on leur envoie un avis pour leur dire: « c’est tellement rendu grave que vous devez partir »», déplore Cloé Fortin.

 

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L’amiante comme prétexte

L’évacuation temporaire de l’immeuble est justifiée par «la réparation et reconstruction des dommages causés à la structure de l’immeuble par l’infiltration de l’eau, le raccommodement des systèmes mécaniques et électriques et le remplacement de la toiture», d’après l’avis reçu par les locataires.

«Plusieurs choses sont nébuleuses dans cet avis, et la nature des travaux est imprécise», dénonce Cloé Fortin.

Ce n’est pas tout: on ajoute un peu plus bas qu’il y a des «signes clairs» de présence d’amiante dans les murs, les plafonds et les planchers. Une affirmation qui fait sourciller les locataires.

 

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«Il n’y a pas de preuve qu’il y a de l’amiante dans le bloc», avance Daniel Garcia. Avec le nombre de personnes qui habitent ici depuis longtemps, je serais vraiment surpris de voir qu’il y a présence d’amiante.»

Même discours de Gregory Krief. «Il y a des personnes qui habitent l’immeuble depuis 50 ans, et ils n’ont jamais entendu parler d’amiante.»

Un magnat de l’immobilier controversé

L’immeuble a été vendu à Brandon Shiller et son partenaire Jeremy Kornbluth en février 2019, tous deux à la tête de Hillpark Capital. Le nom de Shiller est bien connu à Montréal: la compagnie du père de Brandon Shiller, Shiller Lavy Realties, a récemment fait les manchettes en augmentant significativement le loyer de la petite librairie S.W. Welch dans le Mile-End.

En 2018, Brandon Shiller a fait l’acquisition de trois immeubles comptant 24 logements en face du parc Laurier. Dans les semaines qui suivent, un employé de la compagnie fait le tour des logements et propose aux locataires de résilier leur bail, d’après le rapport d’activités 2019-2020 du Comité logement du Plateau Mont-Royal.

Le même stratagème a été utilisé par Hillpark Capital au parc Lafontaine, quelques mois après l’acquisition de l’immeuble.

«Nous sommes intéressés à conclure une entente avec vous en vertu de laquelle une compensation financière vous sera accordée en échange de la résiliation anticipée de votre bail», peut-on lire dans un courriel envoyé par la compagnie propriétaire de l’immeuble, en décembre 2019.

«Avec ces tentatives d’éviction, on remarque que la loi n’est pas respectée», lance Véronique Laflamme, porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain. Les stratagèmes des propriétaires pour faire pression sur les locataires créent un climat de peur chez le locataire qui a peur de perdre son logement. Le gouvernement du Québec doit faire davantage.»

Un groupe de locataires du Manoir Lafontaine souhaite se faire entendre au Tribunal administratif du logement pour statuer si les conditions que le locateur propose sont légales et si l’ordre de quitter les lieux est justifié.

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