Des élus provinciaux et municipaux réclament des mesures du gouvernement Legault pour protéger les locataires du Manoir Lafontaine, menacés d’expulsion dans la foulée de travaux majeurs devant être effectués sur cet ancien immeuble de prestige.

Henri Ouellette-Vézina

HENRI OUELLETTE-VÉZINALA PRESSE

« Ce sont clairement des évictions. Il y a des gens qui sont là depuis des décennies, et le coût des loyers est abordable dans le vrai sens du terme. En pleine crise du logement, ça nous prend un moratoire sur ce genre de pratique », martèle la co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, en marge d’une manifestation qui a eu lieu vendredi après-midi devant l’édifice, à laquelle une centaine de personnes ont participé.

Plusieurs résidants, qui refusent de quitter, ont d’ailleurs placardé leurs balcons d’affiches invitant le propriétaire à la négociation. Début avril, La Presse révélait que l’entreprise 3485 Papineau Investments Limited, appartenant à l’homme d’affaires Brandon Shiller et sa firme Hill Park, tente de vider les 90 logements de cette tour située face au parc La Fontaine.

Le groupe a fait signifier les avis d’éviction annonçant des travaux majeurs par huissier au début du mois, plaidant que l’immeuble acquis il y a deux ans, nommé le Manoir Lafontaine, doit faire l’objet d’une réfection majeure. L’évacuation totale serait compensée par l’équivalent de trois mois de loyer.

« Ça ne fait pas de sens »

Manon Massé, dont le parti milite pour un gel des loyers et un registre des baux, affirme que les appartements du Manoir Lafontaine ne sont pas aussi délabrés que ce que prétend le promoteur. « On n’est pas dans une décrépitude totale qu’on peut voir ailleurs. Même les inspecteurs de la Ville, quand ils sont venus sur place, étaient surpris de voir qu’on demandait à ces gens de quitter pour plusieurs mois. Ça ne fait pas de sens », fustige-t-elle. Robert Beaudry, responsable de l’habitation de la Ville, est du même avis.

Le cas du Manoir Lafontaine est le symptôme d’une maladie encore plus grande. C’est la pointe de l’iceberg, et ça montre que les propriétaires vont loin pour faire pression sur les locataires.

Robert Beaudry, conseiller municipal

Pour lui, Québec pourrait en faire plus pour soutenir les plus vulnérables. « Le discours du gouvernement ne correspond pas à ce qu’on voit sur le terrain. Quand les gens font la file pour un 4 ½ dans Verdun, on constate facilement que le marché, le laissez-faire, ce n’est plus une option », soulève-t-il.

Vers le tribunal ?

Hill Park affirme que les locataires ont dix jours pour répondre aux formulaires administratifs qui leur ont été envoyés. S’ils n’y répondent pas, on considérera qu’ils n’acceptent pas l’expulsion temporaire. Le propriétaire aura ensuite dix jours pour amener la cause devant le Tribunal administratif du logement (TAL).

Selon l’entreprise, le toit et la façade sont en mauvais état, et la piscine intérieure est condamnée. « N’ayant acquis l’immeuble que récemment, nous avons constaté que l’immeuble en question avait besoin de travaux majeurs, ce qui a été confirmé par des ingénieurs indépendants », ont affirmé les propriétaires dans une déclaration au début avril, plaidant que « la seule option envisageable était l’évacuation temporaire ».

Au cabinet de la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, on surveille la situation de près. « Un propriétaire n’a pas le droit d’évincer de façon permanente un locataire pour des rénovations. Le seul scénario où ça peut être possible, c’est lorsqu’un propriétaire souhaite changer l’affectation du logement, le subdiviser ou l’agrandir », rappelle l’attachée de presse, Bénédicte Trottier-Lavoie.

Elle ajoute que si les locataires ne sont pas satisfaits des conditions offertes par le propriétaire, « il est important de s’adresser au TAL ». « La ministre Laforest a fait ajouter une section évictions sur le site du Tribunal pour que les locataires puissent laisser leurs coordonnées et se faire rappeler en 48 heures. L’objectif est de s’assurer que les locataires soient protégés », dit le cabinet.

La porte-parole du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, demande des actions concrètes. « Le Manoir Lafontaine met en lumière le laxisme de la part du gouvernement des dernières années, qui se fie aveuglément au libre-marché. On veut que ça cesse, les évictions pour le profit. On veut des logements décents, sans s’appauvrir », conclut-elle.

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