Montréal veut instaurer une certification des propriétaires et un registre des loyers

Benoit Dorais (à gauche) et Valérie Plante (au centre) sont assis à la table de la conférence de presse.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, et le maire d’arrondissement du Sud-Ouest, Benoit Dorais, lors de l’annonce du projet mardi

PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Frédérik-Xavier Duhamel (accéder à la page de l’auteur)

La Ville de Montréal souhaite instaurer une certification des propriétaires et un registre des loyers sur son territoire. Le projet suscite des réactions mitigées de la part des propriétaires et d’un organisme pour le droit au logement.

La certification, annoncée mardi, vise notamment à réduire le nombre de logements insalubres et à améliorer l’état du parc locatif. Elle s’appliquera à terme aux bâtiments de huit logements et plus, soit 250 000 logements répartis dans 12 000 immeubles, ou 35 % des logements du parc locatif, selon la Ville.

Avec cet outil, Montréal se dote d’un levier d’intervention supplémentaire pour assurer un parc locatif plus sécuritaire et salubre, tout en réduisant les risques liés au phénomène grandissant des rénovictions et des hausses de loyer abusives, peut-on lire dans un communiqué du cabinet de la mairesse, Valérie Plante.

Il permettra en outre aux locataires de connaître, en toute transparence, les montants des loyers payés sur le marché.

Pour l’instant, les éléments qui seront à attester par les propriétaires en vue d’une certification incluent le montant des loyers, le statut occupé ou vacant des logements, et leurs tailles. Ils incluent aussi des informations sur la salubrité et la sécurité des bâtiments, dont la présence de vermine ou de moisissure, la solidité des structures et l’accès aux sorties de secours, par exemple.

Le reportage de Mathieu Prost

Ces informations devront être transmises à la Ville tous les cinq ans, sous peine d’amendes et d’autres pénalités. Des constats d’infraction pourront être délivrés chaque jour où un logement est loué sans que le propriétaire ait dûment complété et transmis le formulaire prévu aux fins de la certification.

Les montants de ces constats d’infraction, suivant les limites de la Loi sur les cités et les villes, pourront atteindre 2500 $ par jour pour une personne physique ou 5000 $ par jour pour une personne morale, dans le cas des récidivistes.

Dans les cas de non-conformités graves, la certification sera refusée ou révoquée, précise le communiqué du cabinet de la mairesse.

Mais des groupes représentant locataires et propriétaires se sont tous deux dits déçus suivant l’annonce, qui soulève des questions, selon l’opposition.

Déception pour les locataires et les propriétaires

Si le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) apprécie l’initiative d’une certification, il est néanmoins déçu du manque d’ambition du registre très partiel des loyers annoncés, a déclaré par courriel sa porte-parole, Véronique Laflamme. Soustraire un aussi grand nombre de logements enlève une bonne partie de l’effet structurant et dissuasif de cet outil.

Mme Laflamme a qualifié de déplorable que les locataires de logements d’immeubles de moins de huit logements n’aient pas accès à la même information.

Une affiche accrochée à un immeuble sur laquelle est écrit : logement à louer, complet.

Le FRAPRU aimerait que la certification s’applique à plus de logements (archives).

PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Le registre sera mis en place trop lentement pour avoir l’effet rapide dont on a besoin pour freiner la hausse rapide du coût des loyers, a-t-elle également dénoncé.

La Ville espère adopter le règlement à l’hiver 2023. S’ensuivra une entrée en vigueur progressive à commencer par les immeubles de 100 logements et plus, en juin 2023, jusqu’aux bâtiments de huit logements et plus, qui ne seront visés qu’en juin 2027.

Mais dans cinq ans, le parc de logements locatifs encore abordables aura radicalement changé, tous les immeubles confondus, selon le Front d’action populaire en réaménagement urbainNous espérions minimalement que le registre serait applicable pour les locataires qui déménagent cette année.

« Cette annonce n’enlève donc en rien la nécessité d’un registre public et universel des loyers que nous demandons toujours au gouvernement du Québec d’instaurer. »

— Une citation de  Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Même son de cloche de la part du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), qui réclame aussi un registre des loyers à l’échelle de la province. Pour le moment, on obligerait les propriétaires à uniquement dévoiler le coût de leur loyer une fois par cinq ans, a observé Marjolaine Deneault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, au micro de l’émission Le 15-18, mardi. Donc, du côté locataire, ce serait très difficilement utilisable.

Mme Deneault a souligné que la certification représente néanmoins un pas positif, particulièrement en ce qui a trait au problème des logements insalubres, mais elle a dit craindre les fausses déclarations des propriétaires. Il faudra voir comment la Ville prévoit valider que les informations déclarées sont bonnes, a-t-elle noté.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), de son côté, se dit déçue de ne jamais avoir été consultée dans la démarche de création d’une certification de propriétaire responsable, conçue sans l’apport des personnes du milieu.

Pourtant, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec et ses membres partagent les objectifs d’offrir un environnement sain et des logements de qualité à l’ensemble des Montréalais, affirme l’organisme dans un communiqué transmis après l’annonce.

La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec se laisse le temps d’analyser les détails du projet avant tout commentaire sur le fond et désirera se faire entendre lors de la commission organisée par la Ville de Montréal pour discuter de ce projet.

La Commission permanente sur le développement économique et urbain et l’habitation tiendra une consultation publique sur le projet ce printemps. L’opposition officielle compte bien suivre le dossier, dont plusieurs points […] soulèvent déjà des questions.

La certification va coûter beaucoup plus cher que ce que prévoit l’administration actuelle, selon Aref Salem, le chef de l’opposition. Il s’inquiète aussi de ce que la Ville pourrait avoir recours à des inspecteurs privés, ce qui pourrait donner lieu à des inspections bâclées, a-t-il avancé dans une déclaration transmise par courriel.

 

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