Pour le moment, l’entreprise de nouilles est devenue locataire des lieux et continue ses activités. Mais le Groupe, qui réunit des citoyens ayant à cœur le développement social du secteur, a bien l’impression que les promoteurs ont d’autres plans. En début d’année, ils ont acquis plusieurs autres adresses rue De La Gauchetière, dont une ancienne école chinoise datant du XIXe siècle, et des stationnements. Leur entité d’affaires se nomme Investissements 1000 Saint-Urbain.
« Il semble y avoir une volonté de fusionner ces lots pour en faire un grand projet », juge Jonathan Cha, membre fondateur du Groupe de travail.
Jean-Philippe Riopel habite depuis 11 ans dans l’un des immeubles nouvellement acquis par Investissements 1000 Saint-Urbain. C’est lui qui a alerté le Groupe lorsqu’il a pris connaissance de ces ventes. Celui qui est guide touristique dans le quartier n’a pas reçu d’avis d’expulsion pour le moment. Toutefois, les deux autres locataires de l’immeuble ont quitté les lieux peu avant et après l’acquisition par le nouveau propriétaire.
M. Riopel, M. Cha et M. Seto craignent que des immeubles patrimoniaux soient détruits pour y construire des appartements en copropriété. M. Seto fait remarquer que plusieurs projets de tours de ce genre sont en cours le long de l’avenue Viger. « S’ils mettent des immeubles à vingt étages à la place des bâtiments les plus historiques du quartier, ça va détruire Chinatown », estiment-ils.
Le directeur des politiques d’Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, souligne qu’il s’agit d’un des plus vieux quartiers de Montréal, où se trouvent des fondations datant de l’époque du régime français. Des communautés anglaises, écossaises et juives l’ont ensuite occupé avant les Chinois. Or, des mégaprojets comme le Complexe Guy-Favreau en ont déjà détruit une partie. Le secteur fait partie de l’aire de protection de l’Église de la Mission-Catholique-Chinoise-du-Saint-Esprit, forçant tout projet de démolition à obtenir l’approbation de la ministre de la Culture. Le Groupe de travail sur le Quartier chinois souligne qu’une reconnaissance provinciale comme site patrimonial permettrait d’y contrôler davantage tout développement.
Accès au logement
Au-delà du cadre bâti, le Groupe estime qu’un embourgeoisement pourrait avoir des effets délétères sur la communauté chinoise. L’accès au logement y est déjà très limité, affirme Jonathan Cha, et une pression des loyers à la hausse pourrait pousser les résidents actuels vers la sortie. « Il faut s’assurer qu’il y a une population chinoise qui pourra y demeurer et qu’il y a suffisamment de locaux pour des fonctions sociales, communautaires, culturelles et religieuses », plaide M. Cha. Sans cela, il craint que le Quartier chinois devienne un quartier touristique sans âme.
Robert Beaudry, conseiller de ville dans Ville-Marie, partage les inquiétudes des citoyens. « Quand on regarde ce qui s’est passé sur l’avenue Papineau ou dans d’autres bâtiments commerciaux du Mile End, on voit que ce sont des propriétaires qui ont des stratégies parfois très douteuses qui amènent à sortir des gens qui sont là depuis très longtemps et qui déstructurent beaucoup les quartiers », indique celui qui est aussi responsable de l’Habitation au comité exécutif. Il souligne qu’un plan d’action pour redynamiser le Quartier chinois sera bientôt rendu public, élaboré avec de nombreux partenaires de la communauté.
La Ville utilisera tous les outils à sa disposition pour y assurer un développement adéquat, affirme M. Beaudry. « C’est le seul quartier chinois francophone en Amérique du Nord. On veut le magnifier, pas le décimer », déclare-t-il.
La ministre de la Culture et des Communications, Nathalie Roy, se dit pour sa part « sensible au caractère spécifique du Quartier chinois ». « Précisons que quiconque peut faire une demande de classement auprès du ministère de la Culture et des Communications. Cette demande sera ensuite analysée en regard des valeurs patrimoniales définies dans la Loi sur le patrimoine culturel », a indiqué par courriel l’attaché de presse de son cabinet, Louis-Julien Dufresne.
Cet article a été modifié après sa publication initiale pour y ajouter la réaction du cabinet de la ministre de la Culture du Québec.
Source et article complet : https://www.msn.com/fr-ca/finances/affaires/inqui%C3%A9tudes-pour-l-avenir-du-quartier-chinois/ar-BB1g5nId