Ils pourront rester dans leur logement: victoire inspirante pour les locataires du Manoir Lafontaine après plus d’un an de lutte
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Les locataires du Manoir Lafontaine, qui refusaient d’être victimes d’une rénoviction, ont bien fait de mener bataille. Ils ont eu gain de cause et pourront rester dans leur logement, en plus d’être à l’origine d’une décision judiciaire qui pourrait en aider d’autres à faire valoir leurs droits.
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«Dans les circonstances actuelles, avec la crise du logement, de plus en plus de locataires se défendent parce qu’ils n’ont pas le choix : c’est presque une question de vie ou de mort de défendre leur logement, sinon ils n’auront nulle part où aller», a mentionné au 24 heures Me Alexandre B. Romano, l’avocat qui défendait la quinzaine de locataires.
Celui-ci a été agréablement surpris de recevoir le jugement du Tribunal administratif du logement (TAL), qui vient de trancher qu’il était illégal pour le propriétaire de l’immeuble de demander aux locataires du Manoir Lafontaine d’évacuer leur logement pour pour des travaux, principalement parce que ceux-ci visaient à changer la forme des logements.
La loi ne permet pas d’évacuer des locataires pour cette raison.
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Même si les travaux avaient été conformes à la loi, l’avis d’évacuation remis aux locataires ne l’était pas puisqu’il était «imprécis et incomplet» et ne permettait pas aux locataires de bien saisir la nature des travaux, peut-on également lire dans la longue décision d’une quarantaine de pages.
Celle-ci comprend quelques passages bien incisifs, soulignant notamment que le locateur (une compagnie appartenant aux investisseurs en immobilier Brandon Shiller et Jeremy Kornbluth) démontre «peu de considération» envers «ses locataires et leurs droits».
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Un symbole de la crise du logement
Les locataires du Manoir Lafontaine sont rapidement devenus un symbole de la crise du logement à Montréal, après avoir reçu au printemps 2021 un avis d’évacuation temporaire pour travaux.
Par crainte de voir leurs logements modiques transformés en appartements luxueux, plusieurs d’entre eux avaient accroché des banderoles dénonçant la situation à leurs balcons.
Comme l’immeuble d’environ 90 logements est situé sur l’avenue Papineau en face du très achalandé parc La Fontaine, leur lutte ne passait pas inaperçue.
Un jugement inspirant
Vu la grande médiatisation de l’affaire, ce jugement pourra montrer aux locataires dans la même situation qu’il est possible de gagner une cause et d’éviter une rénoviction.
Il vient s’ajouter à la jurisprudence déjà existante en lien avec les modifications de logements, et est particulièrement fourni en ce qui concerne les détails que doit contenir un avis d’évacuation pour réparations.
Cette décision pourrait par exemple être citée sur la nécessité de bien préciser la nature des travaux dans un avis d’évacuation pour que l’avis remis soit compris par le locataire, et non seulement des professionnels, explique Me Romano.
Les locataires soulagés
Une quinzaine de locataires se sont rendus jusqu’au bout du processus : des dizaines ont préféré quitter avant, en signant une entente avec la compagnie qui a acheté l’immeuble.
Les locataires encore sur place ont préféré ne pas s’adresser aux médias pour le moment, mais ont dit sur les réseaux sociaux accueillir ce jugement en leur faveur d’abord et avant tout comme un grand soulagement.
«Vous comprendrez que nous passons actuellement par beaucoup d’émotions, mais tenons à prendre quelques instants pour vous remerciez [sic] toutes et tous pour le soutien que vous avez apporté et affiché tout au long de la dernière année», indique Pascal Lavoie, l’un des porte-paroles de la cause, sur une page en soutien aux locataires du Manoir.
«Mais cette nouvelle est une preuve que de se lever et de se défendre pour ces droits est encore possible et qu’il est important de le faire», ajoute-t-il.