Des rénovations dérangent dans des immeubles à logements de Sainte-Foy

Des locataires craignent de perdre leur logement à Québec en raison de travaux de rénovation entrepris récemment par le nouveau propriétaire. Certains disent avoir été avisés verbalement qu’ils devraient déménager ailleurs dans l’immeuble. D’autres craignent de voir leur loyer augmenter s’ils ne déménagent pas. Alors que les logements se font rares, un organisme qui vient en aide aux locataires dénonce cette façon de faire.

PHOTO : RADIO-CANADA / OLIVIER BOUCHARD

 

Une dizaine de locataires de logements de la rue France-Prime, dans l’arrondissement Sainte-Foy, ont contacté le Bureau d’animation et d’information logement de Québec (BAIL). Une situation exceptionnelle, selon une intervenante de l’organisme, compte tenu du nombre de locataires impliqués.

Les locataires nous contactent parce qu’ils sont inquiets. Il y a beaucoup de modifications qui s’en viennent pour eux. Ils se retrouvent un peu pris là-dedans, raconte Marie-Lou Drouin, intervenante.

Certains ont été avisés verbalement qu’ils devraient déménager ailleurs dans l’immeuble. D’autres craignent de voir leur loyer augmenter.

Le nouveau propriétaire, la Société immobilière Bélanger, a comme projet de transformer les quatre immeubles à logements en aménageant, entre autres, un gymnase et une terrasse sur le toit, pour qu’elle soit à l’image de ses autres immeubles.

Le propriétaire a déjà proposé à des gens de quitter en leur proposant une somme d’argent, explique le Bureau d’animation et d’information logement de Québec.

Compensation financière

C’est le cas de Danielle Nadeau, une résidente qui raconte que le nouveau propriétaire lui a proposé une somme de 1000 $ pour quitter son logement le 1er mars.

Je ne suis pas intéressée à quitter , lance-t-elle. J’ai ma mère ici, elle a 87 ans. Je n’ai pas envie de la refaire déménager. J’ai déménagé en 2019. Il n’est pas question qu’on bouge d’ici.

François Bélanger, de la Société immobilière Bélanger, a refusé nos demandes d’entrevue. Il a toutefois précisé que d’offrir un montant d’argent aux locataires est une façon d’aider les résidents à se reloger, s’ils le désirent.

Une pancarte à louer.

La Société immobilière Bélanger affiche des logements à louer.

PHOTO : RADIO-CANADA / OLIVIER BOUCHARD

Partir, mais où?

Avec un taux d’inoccupation sous la barre des 3 % à Québec, il n’est pas chose simple de se reloger.

Le Bureau d’animation et d’information logement de Québec indique avoir eu une rencontre récemment avec la Ville et l’OHMQ (Office municipal d’habitation de Québec) en prévision du 1er juillet.

« Ce qui ressort de ces rencontres-là, c’est que les gens qui doivent rester chez eux, on leur recommande de rester chez eux parce que le taux d’inoccupation est très bas. »

— Une citation de  Marie-Lou Drouin, intervenante pour le BAIL

Cette situation est la même partout au Québec. Si le propriétaire offre un dédommagement qui peut sembler alléchant à première vue, le locataire peut vite se retrouver coincé, selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLACQ).

Les loyers augmentent très rapidement dans toutes les régions du Québec. Les locataires pourraient avoir beaucoup de difficulté à retrouver un logement de même qualité, au même prix. Ce montant offert va fondre comme neige au soleil, estime le porte-parole Maxime Roy.

Peu de logements adaptés

Nicholle Gervais demeure sur la rue France-Prime depuis 20 ans.

La dame de 80 ans, à mobilité réduite, raconte que le gestionnaire d’immeuble est venu l’aviser verbalement, il y a 15 jours, qu’elle devrait être relocalisée ailleurs puisque son appartement, situé au rez-de-chaussée, sera modifié pour la construction d’un gymnase.

Ils m’ont offert de me déménager. Ils me disent qu’ils le veulent absolument [l’appartement], lance-t-elle.

Nicholle Gervais à l'extérieur en hiver avec des documents dans les mains.

Nicholle Gervais

PHOTO : RADIO-CANADA

Nicholle Gervais tient à son logement en raison des commodités à proximité, comme un ascenseur et des rampes pour l’aider à se déplacer. Moi, je ne suis pas intéressée à signer un nouveau bail. Je veux une reconduction de bail, estime l’ancienne infirmière.

Faut savoir que cet immeuble-là, il y a un stationnement souterrain et un ascenseur. Ce sont des particularités qu’on ne retrouve pas souvent pour des locataires, renchérit Marie-Lou Drouin du Bureau d’animation et d’information logement de Québec.

Loyer et rénovations

Après avoir refusé la proposition financière du propriétaire, la résidente Danielle Nadeau dit avoir eu une discussion avec le gestionnaire au sujet du renouvellement de son bail.

Lors de ces discussions, on lui explique que le prix de son loyer va grimper de 30 $ par mois en raison des améliorations du propriétaire et que son service Internet lui sera maintenant fourni.

Danielle Nadeau apprend également que l’électricité ne sera plus incluse dans le prix de son loyer.

Là, il dit qu’il nous laisse l’eau chaude, mais il veut que l’électricité et le chauffage soient à nos frais. Moi, je considère que ça me fait une augmentation de 80 $ par mois pour cette année , indique la dame, qui avait déjà son service Internet.

Lui, son argument, c’est qu’il rénove. C’est sûr qu’il a des besoins, mais pas à 80 $ par mois, estime-t-elle.

Droit de rénover, mais…

Le propriétaire a tout à fait le droit de faire des améliorations locatives pour augmenter la valeur de son immeuble pour les prochaines années. C’est même une nécessité considérant le vieillissement des logements locatifs au Québec, selon Hans Brouillette, directeur des affaires publiques à la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ).

Il y a des travaux majeurs à faire. C’est toujours un choc pour les locataires de subir des travaux qui auraient pour effet d’augmenter leur loyer. Par contre, on doit encourager l’amélioration des immeubles à logements au Québec, qui sont très âgés, lance-t-il.

Lorsqu’on voit les coûts des matériaux, les taxes, les assurances et toutes les nouvelles normes en termes de sécurité, ça entraîne un coût gigantesque, explique M. Brouillette, qui croit que le gouvernement doit aider davantage les locataires qui ne sont plus en mesure de payer un loyer d’immeubles récemment rénovés.

Il est toujours possible de négocier avec les locataires, ajoute M. Brouillette. Si ça n’aboutit pas et qu’on veut absolument faire les rénovations, il faut tenir compte du fait que le locataire peut refuser l’augmentation.

Cependant, le bail insiste pour que les offres d’augmentation de loyer du propriétaire soient sur papier.

Ce n’est pas ce qu’il se passe actuellement. Le propriétaire explique verbalement ce qu’il va faire, sans vraiment envoyer les avis en bonne et due forme, précise Marie-Lou Drouin.

Droit de refus

Il existe deux façons légales de reprendre un logement pour un locateur. La première est une reprise de possession pour que le propriétaire ou un de ses proches puisse s’y loger. Si le locataire est âgé de 70 ans et plus, habite l’appartement depuis 10 ans, et est à faible revenu, le locateur ne peut toutefois pas reprendre le logement de cette façon.

L’autre, c’est l’éviction. Celle-ci est possible lorsque le locateur désire subdiviser le logement, le démolir, l’agrandir ou changer son affectation pour une vocation commerciale, notamment. Si le locataire accepte l’éviction, la loi prévoit que le propriétaire doit lui payer trois mois de loyer et les frais de déménagement.

Dans les deux cas, le locataire a le droit de refuser ou de négocier avec le propriétaire. Advenant une mésentente, la cause sera portée au Tribunal administratif du logement.

Source et article complet : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1773977/renovations-immeuble-logements-eviction-sainte-foy

 

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