Des aînés se battent pour contrer l’éviction de leur résidence

Les aînés de la résidence Mont-Carmel, une résidence pour personnes âgées (RPA) située dans le Centre-Sud, doivent se battre pour éviter d’être évincés de leur immeuble et préserver les services adaptés qui y sont offerts. Et ce, en pleine crise du logement.
Le devant de l'immeuble de la résidence Mont-Carmel, où plusieurs aînés risquent l'éviction.
Photo: Naomie Gelper/Métro

«En perdant notre RPA, on perd notre milieu de vie. On perd notre quartier. On était presque une famille ici. On va perdre la solidarité qu’on a vécue. On va devenir isolés à cause des acquis perdus», a déclaré Suzanne Cyr, présidente du comité des locataires.

C’est qu’elle craint de devoir quitter l’endroit où elle réside depuis des années et qui lui offre des services lui permettant d’être autonome. Lundi, les 200 locataires, dont la moyenne d’âge est de plus de 75 ans, ont reçu une lettre les informant que la RPA n’existera plus à partir du 31 juillet.

Payer plus pour moins de services

En décembre dernier, l’immeuble a été vendu par le Groupe Longpré à une société détenue et dirigée par Henry Zavriyev. Le jeune investisseur a déjà fait les manchettes pour ses pratiques immobilières. Il veut transformer la résidence Mont-Carmel en immeuble locatif régulier, sans les services adaptés pour les aînés.

En effet, dès le mois d’août, les résidents n’auront plus d’infirmière 24 heures sur 24 ni de surveillance particulière, entre autres. De plus, les aînés qui décident de rester dans leur logement devront signer un nouveau bail comportant une augmentation de loyer de 3%.

Pourtant, jusqu’à la mi-janvier, le nouveau propriétaire s’était engagé à maintenir les services associés à la RPA, déplorent les résidents. Ceux-ci se sentent trahis. «Le nouveau propriétaire nous avait rassurés sur la vocation de cette résidence en disant que rien ne changerait. On ressent un sentiment de trahison», affirme Suzanne Cyr.

Selon elle, les résidents sont angoissés à l’idée de quitter leur résidence. «Ici, les gens nous posent beaucoup de questions sur ce que nous vivons, ils veulent des réponses. Ils sont parfois en état de panique. En tout cas, ils vivent de grands moments de tristesse et d’inquiétude», souligne-t-elle.

Nous voulons garder notre RPA. Nous vivons cette perte comme si notre village venait d’être fermé.

Suzanne Cyr, présidente du comité des locataires de la RPA Mont-Carmel

Un autre résident, Laurent Dubé, soutient également qu’en perdant le statut de résident d’une RPA, des locataires devront dire adieu au crédit d’impôt pour maintien à domicile des aînés qu’ils reçoivent. «Je suis fâché et frustré en même temps. Ce n’est pas humain de nous faire ça. J’espère que le gouvernement fera quelque chose», a-t-il ajouté.

Assemblée de locataires

La porte-parole de Québec solidaire et députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé, était devant la résidence Mont-Carmel vendredi matin pour informer les résidents de la tenue d’une assemblée de locataires la semaine prochaine. Des avocats seront sur place pour répondre aux questions des locataires et évaluer la légalité de la chose puisqu’un flou persiste quant aux règles pour les RPA, explique Mme Massé.

L’élue de Québec solidaire en a profité pour interpeller à nouveau le gouvernement du Québec afin qu’il empêche la transformation de la RPA.

«C’est vous qui avez le pouvoir de faire en sorte que les 200 locataires ici – mais pas juste eux, car il y en a d’autres – ne soient pas victimes de propriétaires qui, dans les faits, savaient très bien il y a un mois et demi [lors de l’achat] qu’ils ne voulaient pas maintenir une RPA», a-t-elle lancé.

Les locataires soutiennent qu’aucun ministre n’a pris contact avec eux.

Comment c’est possible qu’en l’espace de même pas deux semaines on soit capables de transformer un milieu de vie sécuritaire pour nos aînés en un endroit locatif qui n’offrira plus les services dont ils ont besoin pour continuer à vivre de façon autonome?

Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire

Des services offerts par le CIUSSS

Du côté du cabinet de la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, on assure que le CIUSSS continuera d’offrir les soins et les services de soutien à domicile aux aînés qui souhaitent rester à la résidence, malgré la menace d’éviction.

Mais Manon Massé n’est pas convaincue. «Ce n’est pas vrai. Le CLSC ne donne des services qu’aux gens qui sont passés à travers le processus de sélection et qui répondent à certains critères. Il n’offrira pas une infirmière 24 heures sur 24», dit-elle.

Pour les aînés qui souhaitent déménager, le CIUSSS offrira de l’accompagnement pour les aider à trouver une autre résidence qui conviendra à leurs besoins, soutient également le cabinet de Mme Blais. Les résidents peuvent aussi contester leur augmentation de loyer auprès du Tribunal administratif du logement (TAL) et se faire accompagner dans leurs démarches par leur Centre d’assistance et d’accompagnement aux plaintes (CAAP), ajoute-t-on.

«Nous comprenons que chaque changement dans la vie d’un aîné comporte son lot de défis et de stress», fait valoir l’attaché de Marguerite Blais, Jean-Charles Del Duchetto.

Étant donné que la résidence Mont-Carmel est une RPA de catégorie 1, c’est-à-dire pour des personnes autonomes, seuls des services de loisir et de sécurité y sont offerts. «Aucun soin n’y est prodigué par des infirmières employées par la RPA», précise M. Del Duchetto.

Plus de 100 fermetures en 10 mois

Sans commenter spécifiquement la situation de la résidence Mont-Carmel, le président-directeur général du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Marc Fortin, explique que les deux dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour les gestionnaires de RPA. Et la situation n’était déjà pas rose auparavant.

En effet, depuis cinq ans, plus de 500 résidences ont fermé leurs portes un peu partout au Québec, indique-t-il. Dans les neuf derniers mois, c’est plus de 110 RPA qui ont fermé. Selon lui, plusieurs éléments expliquent cette situation qui est «plus complexe qu’elle n’appert», dit-il

Que ce soit en raison de l’épuisement de l’exploitant lui-même, d’une pénurie de main-d’œuvre ou de difficultés financières, Marc Fortin affirme que les appels qu’il reçoit lors de la fermeture de RPA n’ont pas qu’une seule facette. «Dans tous les cas, je n’ai aucun propriétaire de RPA qui prend une décision de la sorte facilement, en plus du lourd fardeau lorsque nous considérons les conséquences pour les résidents», ajoute-t-il.

M. Fortin mentionne qu’une fermeture peut aussi s’expliquer par des questions de normes, par le retrait de l’industrie financière du secteur des RPA ou même par l’impossibilité de trouver un assureur pour le bâtiment ou les administrateurs.

C’est le Groupe LRM qui gère la résidence Mont-Carmel. Le porte-parole engagé par le Groupe LRM, Éric Barbeau, n’a pas voulu faire davantage de commentaires sur la situation pour le moment. Il a été impossible de joindre Henry Zavriyev, nouveau propriétaire de l’immeuble.

Le Groupe LRM, qui possède d’autres RPA dans la région de Montréal, compte convertir une deuxième résidence qu’il a acquise en septembre dernier, a cependant confirmé Éric Barbeau.

Selon les informations de La Presse, les quelque 400 résidents de la résidence du Château Beaurivage, grand complexe pour aînés situé sur le boulevard Gouin Est, ont aussi reçu un avis d’éviction. Deux des trois tours du boulevard Gouin perdront leur vocation de RPA.

Source et article complet : https://journalmetro.com/actualites/montreal/2771032/aines-contre-eviction-residence/

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