5 fois plus d’évictions et de reprises de logement: est-ce le début de l’embourgeoisement dans Saint-Michel
• À lire aussi: Quartier Saint-Michel: 35 locataires victimes d’une tentative d’éviction
• À lire aussi: Logement : devrait-on retirer l’interdiction des animaux domestiques du bail ?
Comment définit-on l’embourgeoisement? L’Office québécois de la langue française (OQLF) indique que cela représente une «transformation socio-économique d’un quartier urbain ancien engendrée par l’arrivée progressive d’une nouvelle classe de résidents qui en restaure le milieu physique et en rehausse le niveau de vie.»
Ce phénomène a touché un grand nombre de quartiers ouvriers montréalais comme le Plateau Mont-Royal, Villeray, Verdun et même Hochelaga-Maisonneuve, faisant ainsi grimper les loyers.
Selon les données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le loyer moyen dans le quartier Saint-Michel est passé de 543$ à 702$ depuis 2010, une augmentation de 29%. Ce sont les studios qui ont le plus augmenté dans le marché locatif du quartier en passant de 424$ à 613$, une augmentation de 45%.
CINQ FOIS PLUS D’ÉVICTIONS ET DES REPRISES DE LOGEMENT
L’organisme Bureau Info logement de Saint-Michel a recensé cinq fois plus de dossiers d’évictions et reprises de logement en deux ans à peine, passant de 13 dossiers en 2019-2020 à 60 dossiers pour l’année 2021-2022. Une situation qui a de quoi inquiéter la chargée de projet de l’organisme, Céline Camus, qui gère tous les dossiers seule pour le moment.
Selon elle, le prolongement de la ligne bleue amène des bienfaits pour la population locale, mais aussi certaines inquiétudes quant à la hausse des loyers, surtout dans le secteur de François-Perreault au sud du quartier. Il est à proximité de quartiers embourgeoisés comme Rosemont et Villeray, comme les locataires de la rue Pie-IX.
«Quand je suis arrivée dans le quartier, on m’a expliqué que les atteintes au parc locatif [reprises, évictions] étaient moins un sujet chez nous. On ne va pas se mentir : Saint-Michel est historiquement un quartier déshérité peu attractif», confie Céline Camus.
• À lire aussi: Hausses de loyer de 200 et 300$ par mois: des locataires d’une petite municipalité impuissants
«ÇA AURAIT ÉTÉ UN PEU NAÏF DE CROIRE QUE LA GENTRIFICATION N’ARRIVERAIT PAS À SAINT-MICHEL»
Or, c’est de moins en moins le cas. Yasmine Belam, chargée de concertation en habitation pour la table de quartier Vivre Saint-Michel en santé, s’occupe de créer des ponts entre les différents partenaires en logement. La jeune femme a grandi dans le quartier avant de le quitter pendant 20 ans et d’y revenir pour y travailler.
«Le quartier a beaucoup changé […] Ça aurait été un peu naïf de croire que la gentrification n’arriverait pas à Saint-Michel», juge Yasmine Belam.
Celle qui est d’origine algérienne indique que des alternatives en logement social dans le quartier existe, comme 14 coopératives d’habitation, 7 OSBL d’habitation et 880 logements HLM, mais que «le manque à gagner est assez immense.»
«Par contre, alors que plus de 30% de la population vit sous le seuil du faible revenu, c’est seulement 8% des ménages locataires qui ont un logement subventionné», précise-t-elle, en citant le recensement de 2016.
• À lire aussi: En vue du 1er juillet : À partir de maintenant, votre proprio ne peut plus vous envoyer d’avis d’augmentation de loyer
«C’EST UNE TRANSFORMATION QUI S’OPÈRE», RECONNAIT LA MAIRESSE
La mairesse de Villeray–Saint-Michel-Parc-Extension, Laurence Lavigne Lalonde, reconnait que le quartier doit jongler de plus en plus avec l’embourgeoisement du quartier Saint-Michel.
«Pour habiter dans ce secteur-là, c’est un quartier qui a beaucoup évolué pendant de nombreuses années. En ce moment, on voit réellement que c’est une transformation qui s’opère : des nouveaux commerces, des nouveaux résidents et des nouvelles familles», juge-t-elle.
Elle s’est dite inquiète en prenant connaissance des chiffres du Bureau Info Logement. «On ne voit pas ça d’un bon œil. Ceci étant dit, il y a quand même quelque chose de bien dans le sens où les gens sont capables de se retourner vers un comité logement lorsqu’ils ont un problème.»
Mme Lavigne Lalonde espère que la mise en place de mesures comme l’achat de terrains ou d’immeubles avec le droit de préemption, qui permet à la Ville de Montréal d’acheter en priorité sur tout autre acheteur afin d’y réaliser des projets, et d’un nouveau registre des beaux des loyers par la ville vont mettre un frein à ce phénomène.
«On aimerait ça que le gouvernement du Québec fasse sa part pour nous accompagner», déplore-t-elle, en insistant sur le fait que ce dernier doit investir pour la construction de logements sociaux afin de contrer l’embourgeoisement.
Source et article complet : https://www.journaldemontreal.com/2022/04/12/cinq-fois-plus-devictions-et-de-reprises-de-logement-est-ce-le-debut-de-lembourgeoisement-dans-saint-michel